Helene Lenz
Fractures et Dumitru Crudu
Je pensais le répéter hier soir ou peut-être ce matin dans ce blog mais voilà que j'ai dormi huit heures pour la première fois depuis une semaine, et pourquoi ne pas l'avouer depuis un mois, presque deux...Mieux vaudrait ne pas mentionner mes actes manqués, quiproquos, ratage de stations en bus parce que je rêve ou somnole. Pas plus tard que samedi j'ai manqué aussi un train parce que j'ai confondu l'heure en allant vérifier auprès d'une pendule si j'avais bien une heure d'avance comme ma montre l'indiquait etc. etc; Mais je souhaite que Dumitru Crudu m'excuse de n'avoir pas parlé de son bouquin aussi vite que je lui avais promis de le faire. Je me sens comme un fantôme tout juste capable d'abattre son boulot dans un état second... C'est donc il y a un peu plus d'un mois que j'ai lu intégralement - en traduction bien sûr, improvisée par moi-même - la Note de l'Auteur à voix haute.. juste avant d'aller bondir sur le bus, sur le métro et de là sur le TGV .... On venait de transférer P. en ambulance dans la chambre du rez-de-chaussée plus ample de dimensions que celle où on l'a muté à présent. Il ne devait pas bouger. A cause de ses onze fractures et surtout des neuf costales. J'avais lu sur internet que s'il respirait trop fort, il pouvait se perforer le poumon... Aussi m'étais- je précipitée sur un vaccin anti-grippes de la première pharmacie pour qu'il évite de tousser, d'éternuer, de hoqueter... Heureusement, les infirmières qui sont vraiment charmantes sans parler des aide-soignantes, étaient d'accord pour qu'on le vaccine dans les meilleurs délais. Donc, il ne pouvait pas bouger de l'épaule gauche jusqu'au pied -. Il manquait de distraction et ça l'a bien stimulé, cette histoire de manuscrit volé ou confisqué par un Bessarabien tâchant de se venger sur l'écrivain sans le sou d'un loyer non acquitté... Stimulé sans le faire rire - rire de mésaventures pareilles, c'est le propre des ordures outre que rire dans un tel état est plus nocif que la toux-.. Si l'auteur de l'ouvrage me lit, qu'il prenne conscience de la valeur consolatrice, lénifiante et donc morale de son introduction sur le moral d' accidentés:
"Ceux qui liront ces lignes vont me soupçonner d'avoir inventé cette histoire pour me donner de l'importance. Peut-être qu'en réalité le manuscrit dont je parle n'a jamais existé? Vous savez quoi? On peut s'attendre à tout avec ces Bessarabiens. Et surtout d'un type aussi douteux que l'auteur de ces lignes.
Et pourtant, je l'ai écrit. Davantage,il a eu quelques lecteurs aujourd'hui dispersés partout dans le monde! Les belles Liudmila et Liuba ont dévoré mon roman en une soirée, dans ma chambre du Mémorandum avant d'aller faire la fête chez Radu Maïlat qui les avait invitées à Feldioara. Liudmila est aujourd'hui au Portugal, Liuba en Grèce mais toutes deux continuent de me demander si j'ai récupéré mon roman. Non, les filles! Je ne l'ai toujours pas récupéré! Mais en tout mal il y a un bien puisque, il y a trois ans, j'ai entrepris de le récrire. Et je l'ai récrit. Cependant, le résultat a été un autre roman,complètement différent du manuscrit séquestré. Au final, ce n'est pas de çà que je voulais parler mais simplement du fait que j'ai vécu après ça des événements comme sortis de mon roman rédigé l'été 1995 à Flutura avant d'être égaré cinq ans plus tard par ce Bessarabien albinos.
Mais je vous le raconterai à une autre occasion."
Ainsi s'achève la note introductive du roman.
De même, si j'évoque les onze fractures de P. , c'est que je suis tombée quelques jours plus tard sur le manifeste fracturiste publié en 1998 à Brasov par Marius Ianus et Dumitru Crudu. Plus encore que le contenu programmatique et théorique de cette profession de foi littéraire, cette coïncidence avec ma vie privée ( celle de mon conjoint) m'a emballée au point que j'ai traduit le Manifeste - avec l'autorisation de Dumitru Crudu -: il paraîtra à la suite de mon article!. Les premières lignes font état de coups reçus dans la rue: " Dans la nuit du ... au... nous avons été battus dans la rue ( ...) de ce jour nos écrits se sont appelés fractures". Neuf pages plus loin, le manifeste s'achève sur cette définition:" Le fracturisme n'est ni poésie, ni prose, ni philosophie - le fracturisme, c'est d'être saoul, d'être lâche, d'être faible et sale, je veux dire, des trucs comme ça, fatigue, musique grunge ( ou non ), fous le camp, extase et vis comme tu écris". C'est signé Ionut Chiva et ça conclut le texte intitulé " Le fracturisme en prose". Pour lui, les fracturistes se réclament ou se sont réclamés de Ginsberg, de Frank O'Hara, de Dostoïevski, de George Bacovia, de Le Clézio, de Salinger, de Kerouac, de Max Blecher.
A +
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