duminică, 30 aprilie 2017

Artiom OLEACU

la atelier
în această încăpere
cu 3 geamuri
ne vedem o dată pe săptămînă
ca să mai vorbim despre
lucrurile se-ntîmplă
ne uneşte încălţămintea cu şireturi
observ
ca şi atunci cînd elena
aparent
fără nici un motiv
ar întoarce spatele
în această încăpere cu 3 geamuri
şi-ar pleca
rămînem aici doar cei
care poartă şireturi
brusc
lucrurile se complică


Autor: Artiom OLEACU


sâmbătă, 29 aprilie 2017

Tineri poeti de la Vlad Iovita: Cristina DicusarArtiom Oleacu, Elena Răileanu, Rodica Gotca, Doina Roman, Elena Chiriac
-5:31
287 de vizualizări

vineri, 28 aprilie 2017

                                LE  MANIFESTE  FRACTURISTE [1]
                                                              Dumitru CRUDU et Marius IANUS
                                                                        Ecrivains, République de Moldavie
                                                                        (traduit du roumain par Hélène LENZ)


            La nuit du 10 au 11 septembre 1998 (où nous avons été battus dans la rue) pour en terminer une bonne fois avec la poésie. De ce moment, nos écris se sont appelés fractures. Quand  nous avons publié ce texte pour la première fois, nous n’avons pas eu le temps de pratiquer à loisir une radiographie du courant. Nous l’avons seulement décrit dans ses lignes générales. La deuxième variante, un peu enrichie, a été enterrée dans une revue d’historiographie littéraire. Cette version est la variante définitive de notre manifeste.
            Le fracturisme a plusieurs niveaux : socio-culturel, psychologique, esthétique et en conséquence notre courant est le reflet littéraire d’une réalité nouvelle. Au plan politique, il est représenté par l’anarchisme.
 Notre anarchie est la révolte de marxistes plus ou moins faux qui voient comment de malheureux fascistes dans le genre de Fukuiama plaident pour un monde qui détruit les valeurs spirituelles de l’humanité.
            Pour vous offrir le plus simple exemple de la fracture du message dans le monde où nous vivons : dans des registres différents, il y a fracture entre le misérable film projeté à la télévision et les répugnantes réclames qui l’interrompent. Il est normal que ces fissures, visibles à l’œil nu, se reflètent dans l’écrit. Notre cerveau fonctionne, dans la mesure où il fonctionne, sur le même mode que le monde où nous vivons.
            Le fracturisme défie les rats de bibliothèque et les poètes primés au même titre que les poèmes rédigés sur le papier de diplômes décernés par les universités. Les poètes contemporains (quels que soient les courants, les mouvements dans lesquels ils s’inscrivent) largement représentés dans les revues publiées par leurs admirateurs sont des maffieux qui tentent d’utiliser le petit nombre de leurs réussites poétiques à des fins sociales (beaucoup d’entre eux exercent cinq professions et n’écrivent plus rien de valable) poussés qu’ils sont par le modèle sicilien de la famille (qui inclut à présent jusqu’aux présidents d’associations d’écrivains). Ils se sont regroupés autour de théoriciens (anciens  écrivains) qui ont persuadé des jurys de les consacrer poètes. Ils sont pitoyables. De tels écrivains, après avoir battu tristement la campagne pendant dix ans, ont récemment découvert leur vraie vocation : marchands d’idées dépassées mais fixes, qu’il s’agisse de littérature hors du commun ou de  compendiums didactiques.
            Les jeunes poètes marchent sur les traces de leurs maîtres (recevant des bourses à l’étranger dont ils sont seuls à avoir entendu parler) mais pas dans leur poésie demeurée tout aussi exophtalmique (c’est -à-dire que le poète se retrouve avec elle dans sa main, les yeux écarquillés, suivant l’exemple des lamentables acolytes de Dan-Silviu Boerescu ou autres maîtres de district).
            Au total, ces poètes ont trahi la poésie pour un idéal petit-bourgeois. Chaque oiseau périt par sa langue. Pour le reste, n’ayez crainte, le fracturisme ne tuera personne sans nécessité. Il faut ajouter que, quoique n’ayant pas de précurseur autochtone, le fracturisme est un courant préfiguré par quelques poètes étrangers (Yves Martin, Allen Ginsberg, Robert Creely, Velimir Khlebinikov, E. Cummings, Kenneth Koch, John Ashberry) et qu’il semble en vogue chez les jeunes poètes de tout l’Est de l’Europe. On pourrait donner pour exemple les « Nouveaux Barbares », groupe de poètes polonais des années 90.
            Les poètes roumains fracturistes sont : Stefan Bastovoi, Mihai Vakulovski, Ruxandra Novac, Domnica Drumea, Sandu Vakulovski, Zvera Ion, Răzvan Țupa et présumons : nous même. Le fracturisme est un courant créé par ceux qui existent comme ils écrivent, éliminant de leur poésie le mensonge social. Le fracturisme n’est pas une affaire poétique, une fraude petite bourgeoise ou une effraction des banques vides de la poésie d’aujourd’hui. Il n’est rien de cela. Le fracturisme est un courant créé par ceux qui n’ont pas d’espoirs carriéristes, ceux qui ne perçoivent pas l’art comme une transaction sociale, ni la vie comme une affaire dont on peut tirer profit à tout prix. Beaucoup considèrent que (ou se comportent comme si) la littérature avait pris fin à la fin des années -80, comme si la jeune poésie était une pâle copie de la poésie du quotidien, des habitués du cénacle du Lundi, de toutes sortes de textualistes/ iovistes ou du post-modernisme revêtu d’un habit roumain. Ce n’est pas vrai. Le fracturisme défie le quotidien et les jeux textuels de Gheorghe Iova. Le fracturisme est suffisamment puissant pour se tenir sur ses propres jambes. Brașov ou Bucarest sont des villes mortes. En elles, la poésie a crevé. Ceux qui écrivirent un jour de la poésie sont aujourd’hui saisis d’un esprit commercial putride, ils sont avalés par le marécage de l’argent. Par leur manière de vivre, ceux-là n’ont plus aucun lien avec la poésie.
            Le fracturisme, après avoir découvert les fissures de la réalité et de l’existence, veut instituer un lien extrêmement étroit, une cohésion entre mode de vie et poésie qu’on écrit. Le fracturisme a compris que les deux choses ne peuvent être séparées. On ne peut être à la fois un professeur universitaire américain, un petit bourgeois carriériste commerçant politicien et un poète non-conformiste. Il y a entre ceci et cela une discordance et une fissure. Le fracturisme défie la poésie 80 arde du réel, dérivée de la culture, entrelardée d’une multitude de plans scientifiques. Quel langage précieux utilisent ces poètes qui prétendent écrire une poésie du concret ! Ils parlent à leurs bien-aimées exophtalmiques et suturées, de lobotomies ou de leur façon de croquer des graines décortiquées. Ils sont pitoyables et ridicules. Ils prétendent écrire une poésie du réel, de l’homme commun ordinaire mais ils le font en partant de la culture (souvent même pas bien assimilée). Un tel comportement est impossible. C’est un mensonge. Le fracturisme requiert une sensibilité non contrefaire, nouvelle, capable de fonder  des points de vue inconnus sur la réalité. Les poètes fracturistes partent de ce qui est caractéristique d’eux seuls. Le fracturisme est le premier courant qui n’a plus un lien avec la poésie du réel, avec le nouvel anthropomorphisme ou le textualisme. Pour finir, le fracturisme est le premier modèle de rupture radicale avec le postmodernisme. (la première variante de ce texte a paru en octobre 1998, dans ‘Monitorul de Brașov’/ le ‘Moniteur de Brasov’).

PREMIERE ANNEXE.
Dumitru CRUDU
            D’abord, le fracturisme propose le refus des notions, concepts, dénominations, étiquettes en tout genre, en vue d’atteindre à nouveau la complexité du réel et de l’individualité. Le fracturisme a compris qu’en refusant le langage usuel ou scientifique, on se dissocie en fait du vide sémantique. Le vide existentiel des poètes contemporains peut être découvert dans le langage qu’ils utilisent. Leur fausseté humaine foncière en est venue à constituer la souche de toute communication poétique ou non poétique.
            Le fracturisme refuse catégoriquement de continuer à utiliser des propositions dans le genre je suis venu te dire que le ciel est nuageux (qui abondent dans la poésie de ces dernières années) ou moi j’ai été dans la rue du Château. Bien que ces propositions reproduisent des réalités existantes, elles simplifient et falsifient la réalité. Ce que n’ont pas compris de nombreux  poètes contemporains, c’est que la variété et la complexité d’un ciel nuageux ne peuvent être exprimées par la proposition aujourd’hui le ciel est nuageux. Et ensuite, quelle  différence entre ce ciel nuageux d’hier et celui d’avant-hier, de l’année dernière, d’il y a deux ans ? Le fracturisme refuse la généralité du langage commun. L’erreur commise par de nombreux poètes d’aujourd’hui consiste à essayer d’atteindre ce qui est vrai dans le langage commun en partant d’une sorte de généralité. Soit d’une base réellement tautologique. Cela, c’est un danger réel : ne pas voir que dans le langage commun, usuel, la réalité se vautre à l’aise, fait même bon ménage avec la tautologie existentielle. En raison de sa dégradation par routine, conventionnalisme, conformisme, le langage commun a perdu l’accès au particulier, au concret alors même que ces deux catégories étaient la cible de la poésie du réel. Les poètes d’aujourd’hui nourrissent l’illusion que tous leurs gestes sont uniques et impossibles à répéter. Ce n’est pas vrai. En dépit de ce fait, les propositions moi je fume dès l’aube dans la cuisine, toi tu sors sur le balcon, ma crotte contient des pierres, je me cure le nez etc. parasitent la poésie du quotidien ou la poésie textualiste. Ceux qui les utilisent ont l’impression de mettre en évidence l’unicité du moi. Ils se trompent amèrement. Bien qu’en réalité, moi justement, je me trouve à présent en train de fumer dans ma cuisine. Cette chose parfaitement vraie devient si fausse quand j’essaie de l’exprimer. Des centaines de poètes du quotidien/ du réel, du nouvel anthropocentrisme/ du post-modernisme/ du post-modernisme fument dans leur cuisine en considérant qu’ils font une chose unique, impossible à répéter. Ils ne comprennent pas pour autant que tout ce qu’on fait n’est pas vraiment unique et individuel. Le fracturisme a compris qu’un très petit nombre d’actions peuvent être vues comme propres à celui qui en est l’auteur et caractéristiques de lui-même, seulement lui. Bien que la plupart des poètes du réel aient misé sur l’individu, ils se sont éloignés de leur objectif en proportion, tombant dans une sorte de typisation, de collectivisation, de socialisation de l’intimité et de l’individu. L’un des problèmes de la poésie d’aujourd’hui : l’objet poétique ne se différencie en rien de l’objet réel. Le vol de corneilles s’est arrêté sur le fil du téléphone est une proposition qui sonne aussi banalement en poésie que quand on l’énonce sur son balcon. Le fracturisme propose une solution : transférer l’attention de l’objet/ les objets découpés sur le sujet émetteur/ récepteur. Le fracturisme a compris que l’objet, les objets découpés passent au second plan et en même temps qu’eux: la technique hyperutilisée de la caméra. De même, le fracturisme renonce à l’adjudication des perspectives neutres, objectives et extérieures sur la réalité. Le fracturisme revendique la réapparition au premier plan du sujet Réel du poète, au détriment de l’objet présenté ou (de la présentation) des techniques poétiques  parce que c’est le seul lieu permettant de surprendre la nudité fragile du réel. Le fracturisme considère que les objets présentés,  tant que les notions, les dénominations, les concepts s’inscrivent dans un procès d’objectualisation et d’objectivation du moi, le spoliant de tous ses attributs. Le fracturisme renonce à continuer de nommer et étiqueter la réalité et ce faisant, le fracturisme renonce à continuer d’utiliser le procédé de la conceptualisation des sensations, une véritable épidémie faisant rage dans la poésie d’aujourd’hui. La réalité existe au-delà des concepts et des étiquettes. Les notions et les objets sont des obstacles sur la voie de la réception et de la connaissance de l’individualité, de l’aspect concret du monde. Pour atteindre la réalité, le poète devrait décomposer l’objet dans une avalanche de réactions personnelles et de sensations irréductibles. Etant donné que l’objet existe uniquement dans la mesure où il provoque en nous des réactions. Nous disons tous : nous avons peur mais nos terreurs sont si diverses. La peur d’un homme devant le lit d’hôpital où agonise son pète est complètement différente de la peur d’une personne allant chez le dentiste. Même, on ne peut les comparer. Le fracturisme propose de découvrir et démêler la différence entre nos réactions personnelles. L’unicité d’une réaction ne peut être surprise par un langage notionnel ou usuel. Quand on dit qu’on a peur, en fait, on ne dit rien. Il faudrait que chacun trouve ce qui lui est vraiment propre dans cette peur.
            Le fracturisme propose quelques solutions :
1)      Une description complète, même excessive, du cadre dans lequel se manifeste l’objet de nos réactions, pour le déconceptualiser pas à pas. Par exemple, en déconceptualisant sa peur, un poète peut atteindre la différenciation de cet état.
2)      Le changement du cadre réel, pour le rendre insolite. La peur sera augmentée en proportion de la non-reconnaissance de situations préétablies.
3)      La reconstitution de situations non-verbales associées à l’objet déconceptualisé. Quand je dis : voilà, ce rat meurt, moi je devrai recomposer en langage la mimique, les gestes, l’intensité de voix que j’ai eues à ce moment ;
4)      L’estompage des frontières entre l’objet qui provoque en nous des réactions et nos réactions.
5)      L’objet devrait être absent et suggéré par le cadre ou par des situations.
6)      Les réactions que nous avons devraient friser le témoignage ;
7)      Dans une poésie, il ne devrait rien figurer d’autre que nos réactions strictement personnelles ;
8)      Il ne peut exister d’authenticité qu’au niveau des réactions. Tout le reste est faux. Les objets restent les mêmes, seules nos réactions changent.

²Les notions, concepts, objets sont communs, seules les réactions sont strictement individuelles et peuvent réellement nous représenter. C’est pourquoi nous pourrions éviter l’erreur d’accéder à l’individuel à travers des objets, à travers un autre ou à travers la généralité du langage commun. La distance entre nos réactions subjectives et la réalité doit disparaître, cédant la place à une unité sensorielle et psychique dont naîtra par suite le texte poétique. La réalité existe seulement dans notre propre moi. C’est une grande erreur de croire que recourir au général ouvre les yeux sur la complexité. L’illusion de la réalité de notre moi ne nous est donnée que par nos propres réactions. Elles seules nous lient vraiment au monde. Les poètes d’aujourd’hui cherchent à être le plus radicaux possible. Très bien. Mais on ne peut être radical en évoquant une réalité schématique, constituée de préfabriqués et clichés. Comment la radicaliser ? Malheureusement, un très grand nombre d’auteurs placent les thèmes/ motifs, sujets/ avant la substance proprement dite, ou brodent des contenus individuels sur des structures poétiques déjà existantes. Ce qui est vivant ne peut être conceptualisé, même si les substituts linguistiques falsifient notre moi irréductible, le seul objet poétique valable susceptible d’exister aussi sans les supports techniques. Notre singularité humaine est le plus grand bien que nous possédions. C’est l’histoire des pull-overs de S.B : pour chaque jour de l’année, il a un pull-over.

DEUXIEME ANNEXE.
Marius Ianuș
Ne croyez pas que nous abusions de l’ingénuité quand nous la transformons en critère de valeur. Il n’est pas question de cela. Qui le dirait prouverait qu’il n’a rien lu de nos écrits. Nous ne jetons aux ordures aucun instrument, aucune technique, nous souhaitons les perfectionner. Sauf que pour nous l’effet artistique le plus puissant est l’ingénuité. L’EFFET d’INGENUITé.. La poésie est pour nous une intervention sur le réel (oui, au fond nous sommes des néo-imagistes). Qu’un nouvel instrument apparaisse sur scène, il fera l’effet d’un bistouri laissé dans le corps du patient. L’ingénuité maximum ne peut être atteinte que par une bonne connaissance des états psychiques. De sorte que, au bout du compte, nous en revenons au point d’où nous sommes partis.  Un poète ne travaille pas seulement avec des techniques (comme le font la plupart des 80 ards) mais pour l’essentiel, avec soi. En vue de cette redécouvert de soi, des états spirituels humains, les fracturistes ont été obligés de  réinventer une technique que je pourrais nommer, approximativement, le complexe imagistique. Quand il a écrit sur Pound dans l’esprit de sa génération, Alexandru Mușina a prouvé qu’il n’avait rien compris de la troisième exigence sur l’image poétique appliquée par Pound : la représentation d’un complexe émotionnel (c’est-à-dire d’une empathie). Monsieur Mușina parle continûment dans son essai de l’objectivation du poète. Confondant (intentionellement sans doute, pour les besoins de sa démonstration) une idée poétique mallarméenne venue d’un modèle étranger à la littérature. Le savant, l’idée qui a facilement séduit la critique parce qu’elle génère des textes plus faciles à discuterm offre des points d‘appui et un outil (celui de la maîtrise de la technique poétique, d’une certaine technique poétique chez Pound, qui sécrète en soi le contraire même de l’objectivation.)
Toutefois ce complexe (l’image sentiment comme la nomme Pound) est modifié par le fracturisme. Un complexe fracturiste contient l’idée de l’empathie avec un mode poétique, donc avec les états que celui-ci provoque, sauf qu’ils ne sont pas réductibles à une simple image (que pourtant ils dominent). Ce peut être n’importe quoi, on peut faire du fracturisme même en combinant les discours contradictoires prononcés au Parlement, à condition que ces derniers fassent naître des sentiments réels, les sentiments de celui qui est obligé de les écouter. En fait, l’idée de départ de ce besoin d’authenticité que nous agitons au-dessus des têtes est le suivant : on ne peut déterminer la naissance d’un état sans en avoir fait l’expérience ou au moins des expériences proches (fussent-elles seulement mentales, c’est-à-dire s’il s’agit d’obsessions, si elles existent).
Le fracturisme propose en fait un modèle poétique parfaitement adapté aux vraies exigences de l’art et du monde d’aujourd’hui. Quand il parle de post-modernisme, Alexandru Mușina observe que ce courant n’a aucun lien avec la réalité roumaine, ce qui est en partie vrai (je reviendrai sur ceci avec une anecdote). La mauvaise part de l’affaire, c’est que presque rien de ce qui s’écrit aujourd’hui en poésie n’a de lien ni avec la situation actuelle, ni avec les possibilités poétiques hypothétiquement générées par elle. Or, la Roumanie a énormément changé  ces dernières années : le lieu du discours unique a été recouvert par la cacophonie des messages qui nous assaillent quotidiennement, le paradigme culturel s’est effrité etc. etc.  Ces changements sans lien avec le post-modernisme n’ont pas marqué du tout la littérature actuelle. Pour nous, le post-modernisme n’existe plus. Comme l’a observé Monsieur Mușina, il ne représente guère  qu’un courant de la prose américaine des années-60, -70 (peut-être même pas représentatif). En ce qui concerne la modernité, oui, on pourrait parler d’une certaine inclination de la civilisation occidentale pour l’entertainment et les produits sous-culturels, d’un abandon des finalités supra-individuelles. Et alors ?  Je n’ai pas encore vu de musée de la troupe Iris à Bucarest, je n’ai pas encore entendu parler en Roumanie de quelqu’un à qui la situation économique/ politique/ spirituelle du pays ne pose un problème. Pour ce qui concerne les droits des minorités, permettez-moi de questionner, quels droits possède le fracturisme dans l’actuelle mer d’hommes de culture maffieux et d’écrivaillons alternatifs ? Le fracturisme déclare : le postmodernisme est un courant prosaïque arrivé en Roumanie dans les années -80 et disparu aussitôt. Le reste est littérature.
Et je ne peux comprendre vos griefs face à un courant qui tente de restituer les véritables dimensions des mécanismes du monde d’aujourd’hui ? Pour y parvenir, usons d’une technique étrangère, préalable au complexe fracturiste, que je nommerai le piège existentiel. (Cette terminologie m’a été suggérée par un article d’Alexandru Matei sur ma poésie, oublié depuis trois  ans dans une rédaction Occulte). Dudu définit cette technique, sans doute si je la décris à mon tour, l’image en sera plus claire. Ses prémisses sont les suivantes : un poète ne doit pas travailler seulement au niveau des techniques d’écriture mais il doit œuvrer d’abord pour le perfectionnement de ces dernières (en lieu avec) des états psychiques/ spirituels, j’entends par là l’intensité de l’expérience, la capacité où on se trouve de les recevoir. Pour parvenir à ce stade, le poète doit se placer en permanence dans des  hypostases extrêmes (à Brasov, personne ne comprenait pourquoi Dumitru Crudu dépensait son salaire mensuel de journaliste en deux jours), il doit potentialiser ses sentiments au maximum. En Roumanie, la chose est assez facile à réaliser. Mais il est difficile de s’y tenir. La poésie fracturiste se compte parmi les formes d’art les plus atroces. Elle consume à l’infini. En fait, je ne crois même pas qu’on puisse faire beaucoup de fracturisme. Les poètes de notre groupe font de longues pauses et je pense ici aux meilleurs d’entre eux. Ștefan Baștovoi, Ruxandra Nova, Dumitru Crudu, les trois sommets de ma génération que j’envie énormément – ne peuvent résister au rythme de vie imposé par ce type de poésie (peut-être ne devrais-je pas le dire ainsi).
L’idée de base du fracturisme (il est impossible de créer des effets émotionnels de lecture par simple fabulation, sans substrat existentiel) et son problème, trouve une solution jusque dans ces théories du piège psychique et du complexe fracturiste. En fait, si nous réfléchissons bien, il y a des exigences que tout lecteur d’aujourd’hui devrait avoir face à tout texte littéraire subjectif/ lyrique. Nous sommes las (exprime Dudu) de l’objectivation des sensations, des images surréalistes (dans le plus mauvais sens  du terme, c’est-à-dire fabriquées sans trace d’implication de l’auteur), de la débauche métaphorique et des bruits de grelots. Le temps est venu de la poésie vécue, assumée, vraie.

LE FRACTURISME en PROSE
Ionuț Chiva

Marius Ianus et Dumitru Crudu ont posé les bases du fracturisme  au cours d’une nuit où ils avaient été battus  mais j’ai nourri l’idée d’une prose à foulures dans des conditions plus paisibles. Tremblant à la terrasse de l’Argentin face à un deuxième verre de rhum, Marius Ianuș me parlait des fondements textualistes, du caractère perdant d’une prose française orientée dans la direction du nouveau roman, du mélange malheureux effectué par la majorité des 80 ards roumains quand ils ont tenté de concilier cette direction première avec les influences hard reçues des Américains.
Le fracturisme s’est manifesté  exclusivement en poésie pour l’instant, se revendiquant en quelque sorte de Ginsberg, Frank O’Hara et d’autres (je ne sais plus combien ni lesquels) et il a même, voilà ! des représentants. Par paresse, par manque de temps et d’espace, je n’évoquerai pas les caractéristiques du fracturisme en poésie : ceux qui s’y intéressent peuvent suivre le matériel qui suit :  troisième version du manifeste fracturiste (il consiste en l’exemplaire unique, à ce jour presque inaccessible – étant donné que cela nécessiterait un voyage à Berceni avec tout ce que cela comporte de dépenses supplémentaires – d’une revue sur l’imprimé duquel Ianuș a rédigé au stylo-bille ses multiples objections).
Je parlerai en revanche de la manière dont m’ont souri quelques idées fracturistes et comment jaloux du monopole des poètes (tous des efféminés qui sortent un chef-d’oeuvre entre deux chopes de bière), j’ai voulu les adapter à la prose. Le premier et le plus abstrait des lieux communs me faisant tomber d’accord avec Ianuș est sa foi dans la sincérité de l’écrit. D’ailleurs, ça n’aurait pas de sens de dire ici que cette idée est une condition sine qua non.  Pour faire de la bonne littérature, c’est presque devenu un truisme, d’ailleurs là où il n’y a ni argent, ni gloire, ni femmes à la clé, il n’y a guère de place non plus pour la douceur de l’induction en erreur.  Je crois aussi dans l’écriture comme exorcisme : ne pas écrire parce que tu le veux ou parce que tu aimes le faire mais parce qu’il le faut, en obéissant à une injonction du dehors.  Je crois dans l’écrivain qui ne peut écrire sur n’importe quoi, l’écrivain qui écrit sur ses obsessions et qui par suite évite la rencontre avec une feuille de papier parce que le processus de création peut conduire à la démence. Ce sont mes bases, celam c’est ce que je veux faire de la littérature en général et de la prose en particulier : beaucoup de gens peuvent faire des choses belles et intelligentes mais la littérature, ce n’est pas cela, ni le délire de l’imagination ni le texte sur le texte.  Ces considérations peuvent ne regarder que moi. Ce que j’entends par fracturisme prosaïque est tout autre chose. La prose roumaine d’après-guerre est inintéressante, non parce qu’elle est bien écrite mais parce qu’elle est écrite « faux » . Le roman de l’obsédante décennie obéit à des schémas extrêmement visibles : les brutes à slogans et l’homme qui les regarde, le moraliste inadaptable (se piquant parfois de faux cynismes) et sincère parce qu’il se fait à lui-même un lucide procès de  conscience et qu’il a des impulsions masochistes. Quand les tourneurs de Buzura discutent à la pause de midi de leurs angoisses existentielles, moi je cesse de les croire. Marin Preda reste un bon écrivain mais ce qui me fait mal, c’est qu’il aurait pu être très bon, par ce que contiennent d’autobiographies des livres comme les Morometii/Moromete  ou  Marele singuratic/Le grand solitaire.  Mais il s’est perdu, au-delà des compromis comme  Delirul/ Délire que je n’évoquerai pas dans ce schéma d’ailleurs séduisant (rien de plus intéressant qu’un homme qui a combattu et finit vaincu). Ce qui m’étonne, c’est que tous les créateurs de cette sorte de personnages (D.R. Popescu, Țoiu, Ivasiuc, tous) se portent (ou se soient portés tant qu’ils ont vécu) bien. J’aurais souhaité (Pardonne-moi, Seigneur !) les voir à mon tour à l’asile de fous, ou pleurant l’impuissance humaine en bordure d’un trottoir en pleine nuit comme leurs héros, les voir égarés, vaincus par la claustration et l’obscurantisme de leur monde. Mais cela ne pouvait se produire, étant donné qu’ils ont fait de la littérature, c’est –à-dire qu’ils ont écrit de manière mensongère sur des choses étrangères, souffrant du syndrome d’Alecsandri (l’écrivain qui décrit l’hiver depuis sa chambre chauffée). Tous ont écrit sur le monde dont, de toute façon, ceux qui viennent ne comprendront plus les mécanismes : ils se sont perdus dans le spécifique, dans l’accidentel et quand ils ont voulu être « général-humains », ils ont été tout juste conceptuels, abstraits, plus essayistes que prosateurs.
            Les écrivains des années 80 auraient pu être davantage s’ils n’avaient cédé aux côtés intelligents de leur groupe. Le textualisme, l’analyse des mécanismes, le jeu avec le texte peuvent donner des choses intéressantes, amusantes, spirituelles même, mais qui ne disent rien sur rien. Quand Cortazar (absolument par hasard) raconte sur quatre pages comment un type retire son pull-over, on peut dire beaucoup sur ses pages mais non qu’elles vous ont touché. Celui qui vous touche, c’est Dostoïevski, quand une putain lit à un criminel des passages de la Bible. Mircea Cărtărescu, par exemple, n’a écrit qu’un bon livre Nostalgia/ La nostalgie (« Le Rêve » en  première traduction française). Tout le reste revient à des jeux sur le même clavier : des constructions d’un baroque délirant capable de vous emporter mais non de vous convaincre à la deuxième lecture. Le fracturisme est davantage un état (même de choses) provoqué par les messages discordants du monde d’aujourd’hui (les mauvais films interrompus par les horribles réclames, disaient ces poètes dans leur manifeste). Nous parlons d’un monde informatisé, donc d’un monde de  la pseudo (dirais-je) communication, un monde que Cărtărescu voit kaléidoscopique mais c’est une vision très optimiste.
            Le fracturisme le voit plutôt comme un monde qui vous perce la tête, provoque des névroses et au final, l’aliénation. La prose fracturiste doit être une prose de la folie et/ ou de l’innocence infantile. La rupture entre le moi et le reste, entre assiégé et assiégeant, conduit finalement à la fracture de soi. La prose fracturiste est celle du lion de Nietzsche, du nihilisme total, du balancement entre destruction et autodestruction mais non à partir d’un programme, en se basant simplement sur la pureté d’un sentiment authentique. Le spleen, la nausée signifiés par les tensions des grands déchirements tiennent en quelque sorte du paradigme du fracturisme. Je pourrais dire que Bacovia (le poète) est le premier grand fracturiste roumain. Malheureusement il m’est difficile de choisir mes modèles en prose : au moins dans la prose contemporaine roumaine (je la lis quand j’ai le temps), je n’y trouve personne qui s’approche de ce que je souhaite. Curieusement, on dirait, on dirait, avec un certain effort et de la bonne volonté, je pourrais parler du Fântâneru et de son Interior/ Intérieur et de Blecher mais seulement celui de «  Intâmplări din irealitatea imediată/ Evénements de l’irréalité immédiate ». Références trop fragiles pour avoir créé une descendance. Les deux romans font partie des petits joyaux de l’underground de la littérature d’entre-deux-guerres et ils sont pourtant plus proches de ce qui se faisait  dans l’Europe de leur temps que des réalisations du mainstream.
Toujours parmi les ancêtres du fracturisme, chez les étrangers d’aujourd’hui, j’adopterais Le Clezio (Le Procès Verbal est le seul roman de lui que j’ai lu et il m’a trop, trop plu), un peu Salinger (Catcher in the rye) et Jack Kerouac, je ne sais pas, il se pourrait qu’il y en ait d’autres. De toute façon je crois m’être fait comprendre plus ou mal (on pourrait revenir sur ça – pour les compléments et suggestions, appelez le 09 37 57 51 4). Mais le plus important sans doute : c’est que le fracturisme n’est ni poésie, ni prose, ni philosophie etc, - le fracturisme c’est d’être saoul, d’être lâche et faible et sale, je veux dire, des trucs comme ça, fatigue, musique grunge (ou non), fous le camp, extase et vis comme tu écris.





                         



[1] Publié  en roumain dans les revues  Paralela 45 et Vatra (Roumanie), en 1999. 

miercuri, 12 aprilie 2017

http://osearaperfecta.protv.md/dumitru-crudu---1843211.html


In timp ce noi ne laudam cu pantofii, gentile, rochiile si selfiurile mai reusite, el se lauda cu lecturile sale.
OSEARAPERFECTA.PROTV.MD

tineri poeti: Artiom OLEACU

...
o poză mică ruptă-n portmoneu
cîţiva bănuţi în celălalt
facturi pe frigider
bocancii mei murdari
batista nespălată, cheile
un talisman din anii precedenţi
cum merg
azi mă plimb
mîine
dimpotrivă
accept




îmi asum rolul meu de accattone
de pitic de
de ciorap rupt de
de fular
de ciubotă
cînd ies de la servici şi văd blocurile
printr-un filtru roşu uzinele tuberculoze de
mirosul de pîine arsă infectă
macaralele
lungindu-se spre mine ca un boomslang
agăţat de o creangă şmeher
şi-au depistat toate nefericita pradă
între acest uriaş război al termitelor
văd o mînă de bărbat ce se-ntinde spre orizont
şi-o femeie prăbuşindu-se sub pavaj
de unde eşti tu unde eu sunt nicăieri ambii
(dar trebuie să fim? să existăm să ne futem
de multe ori
în aceste bărci sparte în aceste barăci sovietice
printre această burghezie impotentă
ce ne omoară cu fiecare clipă, împingînd înainte
progresul?)
da sau nu
nu am nevoie de răspuns
poţi să-mi răspunzi mai tîrziu
mult mult mai tîrziu
după ce voi intra în casă
mă voi spăla pe mîni cu apă rece
voi mînca puţin fără să mă grăbesc
voi arunca toate hainele de pe mine
şi voi îmbrăca batista ta pe cap
atunci să-mi răspunzi
să-mi răspunzi
pe urmă (după)


 Artiom OLEACU

luni, 10 aprilie 2017

-40:35
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Dumitru Crudu a fost în direct.
Atelierul de Poezie și Proză - Vlad Ioviță. Ședința de sâmbătă, la Centrul Național de Excelență Profesională pentru Bibliotecari.
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Trandafirii

Câțiva trandafiri încă înfloriți în plină toamnă în stradă. Copyright: Ecaterina Ștefan